Par cette belle journée de juillet, au volant de sa voiture, Pierre se remémore le Conseil d’Administration qu’il vient de quitter.
Au centre de la salle du conseil, toute lambrissée, trône une imposante table en acajou. Aux murs, les portraits des trois générations successives de dirigeants de l’entreprise familiale semblent surveiller les débats, un brin narquois. Deux heures plus tôt, dans cette salle, le Directeur Général vient de présenter au Conseil le Plan à Moyen Terme de cette belle entreprise de pâtisseries industrielles, Chocolat & Compagnie.
Les planches se sont enchaînées, positives et rassurantes. Un outil industriel efficace, maintenant largement amorti, permet une production flexible dans de bonnes conditions de rentabilité. Les produits traditionnels de l’entreprise, très qualitatifs, sont dans l’air du temps et rencontrent l’engouement des consommateurs. Trois belles innovations produit devraient permettre de soutenir la croissance régulière du chiffre d’affaires. L’endettement et la trésorerie sont maîtrisés. Cerise sur le gâteau, le Président annonce que les discussions en vue d’une prise de contrôle d’un concurrent italien sont en très bonne voie : l’entreprise se lance dans le développement international !
Une stratégie claire ne serait rien sans l’excellence de l’exécution opérationnelle : l’entreprise vient de mettre en place une nouvelle version de son ERP qui rationalise les process, fait gagner en productivité et améliore la connaissance de ses clients. Plus important encore, elle a mis en place un site internet marchand, dont la montée en puissance du chiffre d’affaires fait mieux que compenser l’essoufflement des volumes commercialisés avec la grande distribution.
Bref, tous les voyants sont au vert ! D’ailleurs le Conseil d’Administration s’est déroulé beaucoup plus vite que prévu : au bout de 2 heures, les Administrateurs se sont tous auto-congratulés pour ces bons résultats et ces brillantes perspectives, et ont remercié le Président (sans oublier le Directeur Général…) avant d’aller partager un bon repas dans le restaurant étoilé habituel.
Et pourtant, dans sa voiture, Pierre ne peut s’empêcher d’avoir un doute…
A 45 ans, jeune chef d’entreprise dans le négoce et la distribution d’articles de bureau, il a été recruté par un cabinet de chasse parisien pour rejoindre le Conseil d’Administration de Chocolat & Compagnie comme Administrateur indépendant 5 ans auparavant. Sa personnalité, à la fois souple et consensuelle, mais aussi visionnaire et assertive, avait séduit les actionnaires familiaux, autant que sa réussite avérée dans la transformation et l’internationalisation de sa propre entreprise.
Pierre se souvient des échanges parfois vifs qu’il lui avait fallu avoir, trois ans avant, avec les autres membres du Conseil qui ne comprenaient pas nécessairement l’intérêt d’un investissement important, risqué et surtout non productif dans un nouveau système d’information. Sa patience, la justesse de ces arguments et son sens politique lui avaient permis de convaincre un à un les actionnaires « historiques ». Il avait acquis à cette occasion une véritable légitimité au sein du Conseil.
Administrateur Indépendant, Pierre sait trop, par expérience, que le succès de Chocolat & Compagnie ne s’analyse pas seulement à l’aune d’un business plan et de tableurs qui « poussent » linéairement des tendances historiques sur les 3 ou 5 ans à venir. La pérennité et le succès dépendent de la capacité de l’entreprise et, singulièrement, de son Conseil d’Administration à percevoir les signaux faibles, à anticiper les grandes transformations à venir, qu’elles soient opportunités ou menaces :
- Au-delà de la concurrence existante, de nouveaux acteurs jusque-là inconnus ne peuvent-ils pas faire irruption sur le marché de Chocolat & Compagnie ? Un nouveau business-model, une nouvelle façon de fabriquer, de distribuer ?
- L’entreprise tire-t-elle tout le parti possible des informations dont elle dispose, notamment via son CRM, pour améliorer l’expérience client ? Quels seront les impacts de la deuxième révolution numérique, l’intelligence artificielle, le big data ?
- L’entreprise a-t-elle en interne la bonne organisation, les bonnes compétences, pour faire face aux enjeux liés au numérique, pour en faire un véritable atout concurrentiel ? Au niveau de sa Direction des Systèmes d’Information bien sûr, de sa Direction Générale mais aussi de son Conseil d’Administration ?
- L’entreprise et son Conseil ont-ils le bon dispositif d’évaluation et de gestion des risques liés à la montée en puissance du numérique ? Comment la cybersécurité est-elle traitée ?
- Comment l’entreprise utilise-t-elle les réseaux sociaux pour maîtriser et promouvoir sa notoriété et son image (image employeur notamment) ?
- Sans lâcher son volant, Pierre dicte un mémo à son assistant digital :
- « Dès lundi, faire un mémo au Président pour que ces points soient traités lors du prochain Conseil d’Administration
- Appeler le cabinet de chasse pour évoquer la pertinence de faire rentrer un deuxième Administrateur Indépendant au Conseil, pour m’y épauler dans la révolution numérique »
Nous intervenons régulièrement auprès d’ETI ou de PME, entreprises familiales ou participations de fonds de Private Equity, pour faire rentrer dans leur Conseil d’Administration l’Administrateur indépendant qui, par sa personnalité, ses savoir-être et son intelligence des situations, saura s’intégrer naturellement dans la dynamique collective du Conseil d’Administration, tout en y apportant une compétence singulière. Au-delà de la recherche de la parité au sein du conseil, nos dernières missions ont souvent eu pour objectif d’y faire rentrer une compétence digitale.
Philippe Laverne
Partner