La circulation dans le centre de Grenoble est étonnamment fluide en ce vendredi soir. Au volant, Bernard connaît bien le trajet qui le ramène chez lui et laisse ses pensées vagabonder. La semaine a été difficile. D’abord mardi, deux patrons de BU de l’entreprise de service informatique dont il est le Président Directeur Général ont […]
La circulation dans le centre de Grenoble est étonnamment fluide en ce vendredi soir. Au volant, Bernard connaît bien le trajet qui le ramène chez lui et laisse ses pensées vagabonder.
La semaine a été difficile. D’abord mardi, deux patrons de BU de l’entreprise de service informatique dont il est le Président Directeur Général ont fait état en Comité de Direction de dérives dans l’application des procédures et d’une vraie difficulté à maintenir les standards de qualité promis aux clients. Jeudi, c’est le client historique du groupe, presqu’un ami, qui l’a appelé sur sa ligne directe pour lui dire son intention de le mettre en concurrence lors du prochain renouvellement de son plus gros contrat de prestation de service. Et pour couronner le tout, ce matin, Valérie, brillante chef de projet, la trentaine, dynamique et toujours parmi les plus engagées, est venu le voir dans son bureau pour lui confier, en pleurs, son épuisement physique et son désenchantement au travail…
Et pourtant, trois ans en arrière, les perspectives de son entreprise étaient au beau fixe…
Président charismatique et respecté, il a renouvelé et rajeuni plus de la moitié des sept membres de son Comité de Direction. Avec un portefeuille de savoir-faire et de produits sans équivalent sur le marché, l’entreprise avait su construire la confiance de clients importants et fidèles. Et surtout, il a engagé l’entreprise dans un projet profondément humaniste qui lui tenait particulièrement à cœur : basé sur la confiance en la nature humaine, il s’agissait de réduire les niveaux hiérarchiques, de remplacer les tâches de contrôle par l’initiative individuelle et collective, de réduire le poids des fonctions support, de favoriser la transversalité et de mettre le client et la valeur ajoutée au cœur du fonctionnement de l’entreprise. Un gourou reconnu des démarches d’ « entreprise libérée » a même été invité, qui a galvanisé les troupes et créé une formidable attente de l’ensemble du personnel.
Aujourd’hui, quelle est la réalité de la situation de ce projet d’entreprise ? Quelles sont les difficultés, les freins qu’il rencontre dans sa mise en œuvre ?
Bien sûr, Bernard connaît bien son entreprise. Il a dans les différents services des « vieux grognards » qui lui sont indéfectiblement fidèles, il va lui-même au-devant des jeunes embauchés, le comité de direction largement rénové semble bien fonctionner. Mais les messages qu’il reçoit sont-ils exempts de complaisance, ne sont-ils pas déformés par la ligne hiérarchique, a-t-il les moyens de capter les « signaux faibles » ?
Sans quitter la route des yeux, Bernard griffonne un post-it : « Appeler Eurosearch & Associés ».
Trois semaines plus tard, dans son bureau aménagé au dernier étage du siège social, Bernard reçoit les deux consultants d’Eurosearch venus lui faire partager les conclusions de leur audit…
En moins d’une semaine, ils ont rencontré en binôme une douzaine de collaborateurs identifiés pour avoir une opinion critique sur le projet d’entreprise et une capacité à l’exprimer sans complaisance. Chaque entretien, tout en suivant une trame structurée, a permis de créer les conditions d’un échange en toute confiance et en toute liberté. D’ailleurs, les retours qu’en a eus Bernard étaient tous très positifs, mettant en avant le professionnalisme et la bienveillance des deux consultants.
Les fondations du projet sont en place, et celui-ci peut être redynamisé…
A son lancement, le projet a donné lieu à une communication claire et formalisée. Cette communication s’est essoufflée, a progressivement perdu en clarté et en impact. Il suffirait maintenant pour lui donner un nouvel élan, de donner un nouveau nom, un contenu clair et formalisé au projet d’entreprise et de mettre en avant les premiers succès obtenus.
Des managers ont émergé qui ont adhéré avec enthousiasme et efficacité à la démarche. En favorisant la mobilité interne et les projets transversaux, ces prosélytes seront en situation de propager les principes et les bonnes pratiques du projet d’entreprise.
Des investissements financiers et humains très importants ont été faits en recherche et développement. Des succès ont été obtenus qu’il reste à valoriser en interne comme en externe, en particulier pour relancer l’attractivité employeur.
Quelques cadres ont également été identifiés qui freinaient la transformation de l’entreprise. Certains, à la marge, peuvent sans doute être ignorés, mais d‘autres doivent impérativement être alignés avec l’ensemble du CoDir et les principes du projet d’entreprise.
… c’est avant tout une question de timing.
Humaniste convaincu, Bernard n’envisage pas un seul instant de renoncer au projet d’Entreprise Libérée. De toute façon la démarche est maintenant trop avancée, renoncer ferait des dégâts énormes en matière de motivation, d’organisation et in fine de performance économique.
Si renoncer n’est pas une option, la seule question qui reste est celle du timing : relancer maintenant ou attendre des circonstances plus favorables ?
En président expérimenté, Bernard sait que l’entreprise ne peut courir deux lièvres à la fois, qu’elle doit se focaliser sur un seul objectif et que la priorité du moment est sans aucun doute de rétablir la dynamique commerciale, en obtenant quelques succès qui sécurisent le chiffre d’affaires (et donc les effectifs) pour les prochaines années.
Ce n’est que lorsqu’il aura retrouvé quelques marges de manœuvre opérationnelles et économiques que les conditions seront réunies pour relancer avec succès son projet d’Entreprise Libérée.
L’esprit clair, Bernard note sur son agenda « Rappeler Eurosearch avant l’été pour relancer le projet ! »
Anne-Marie Blayo et Philippe Laverne,
Partners Eurosearch & Associés