L’administrateur indépendant au sein du Conseil d’Administration d’un groupe familial

L’administrateur indépendant au sein du Conseil d’Administration d’un groupe familial

La question de la gouvernance et de la composition de son conseil d’administration, de son conseil de surveillance ou dans une moindre mesure de son comité stratégique, se pose rarement d’emblée au créateur d’entreprise.

Dans un premier temps, lorsqu’il s’agit de structurer sa gouvernance, le réflexe le plus naturel est souvent de chercher des tiers de confiance dans son cercle familial : l’épouse ou le mari, le frère… Les enfants sont ensuite associés lorsque se rapproche l’horizon de la succession managériale et la transmission patrimoniale.

L’alternative consiste à rechercher dans son environnement proche un professionnel de confiance : expert-comptable, notaire ou avocat. Rassurant, il connaît l’entreprise et le contexte familial et il a déjà créé une forte relation de confiance intuitu personae. S’il est légitime « politiquement » et « techniquement », il peut être utile de lui adjoindre un administrateur salarié, issu du management de l’entreprise, qui apporte au conseil son expertise opérationnelle et sa connaissance du secteur.

Tiers de confiance et administrateurs salariés sont faciles à identifier et figurent déjà dans le carnet d’adresses du dirigeant. Néanmoins, cette gouvernance « domestique » atteint rapidement ses limites.

L’entreprise se développant, plusieurs facteurs sont susceptibles de déclencher la mise en place d’une gouvernance plus structurée et, souvent, l’arrivée d’un ou plusieurs administrateurs indépendants :

  • L’arrivée d’un investisseur externe
  • Le passage de témoin entre deux générations
  • La demande d’un membre de la famille
  • Un évènement imprévu ou exceptionnel : rachat, difficultés financières, développement à l’international, projet de diversification stratégique

Dans ce contexte, les apports attendus d’un administrateur indépendant sont alors notamment :

  • Un rôle de conseil
  • L’apport d’une expertise technique ou sectorielle
  • Une professionnalisation accrue de l’entreprise
  • Le bénéfice d’un réseau
  • L’utilisation de process, de bonnes pratiques
  • Une ouverture à l’international
  • La gestion d’une période particulière : retournement, acquisition, repositionnement…
  • La préparation d’une opération financière

La sélection d’un administrateur indépendant doit être menée comme une « mission d’Executive Search » à part entière

Choisis en dehors du cercle familial et de l’entreprise, les administrateurs indépendants ne font pas partie d’emblée de l’écosystème du dirigeant. Leur identification suppose donc une véritable démarche d’Executive Search pour identifier les bons candidats qui sauront, par leurs compétences professionnelles mais sans doute plus encore par leur savoir-être et leur intelligence des situations, s’intégrer harmonieusement et utilement dans le fonctionnement du Conseil.

Le processus de recrutement d’un administrateur indépendant est souvent piloté par le Président du Conseil. Il comprend en général les étapes suivantes :

  • Cahier des charges du profil du futur administrateur (président, comité nominations, cabinet d’Executive Search)
  • Recherche de candidats potentiels (réseau, cabinet d’Executive Search)
  • Sélection d’une short-list (comité nominations ou administrateur désigné, cabinet d’Executive Search)
  • Rencontre par le président du conseil et autres administrateurs
  • Choix, annonce, intégration

Le recours à un cabinet d’Executive Search permet à la fois d’avoir accès à des réseaux auxquels l’entreprise n’aurait pas spontanément accès, et de s’appuyer sur un regard d’expert, extérieur et objectif, pour qualifier les candidats les mieux adaptés.

Dans le contexte particulier d’une entreprise familiale, la sélection doit souvent privilégier le savoir-être au savoir-faire

Qu’il soit piloté directement par le conseil ou confié à un cabinet extérieur, les critères du recrutement portent sur les qualités suivantes :

  • Connaissances sectorielles : elles sont souvent surestimées a priori par le Conseil. Dans les faits, il est rarement nécessaire d’être un homme (ou une femme) du sérail pour en comprendre rapidement les principes structurant d’un modèle d’affaires. Au contraire, le fait d’apporter un point de vue différent, exogène, peut être particulièrement contributif. Par ailleurs, la compétence sectorielle est très souvent largement couverte au Conseil par les administrateurs familiaux ou salariés
  • Compétences fonctionnelles : il s’agit, sans se substituer au management, de maîtriser les fonctions stratégiques de l’entreprise : direction générale mais aussi, selon les circonstances, direction commerciale, marketing, production ou financière
  • Comportements, intelligence relationnelle : ce sont, d’expérience, les qualités les plus déterminantes dans le succès du recrutement d’un administrateur, bien que souvent négligées.
    • Qualités personnelles :
      • L’intégrité, éthique, loyauté
      • La capacité à appréhender rapidement des problèmes complexes
      • Le courage de s’exprimer, de poser des questions, de soutenir une position contraire, de dire non, d’éviter la complaisance…
      • La perspective stratégique, la capacité à prendre du recul et à se concentrer sur les enjeux importants
      • La compréhension intime de l’entreprise, de son marché et de son écosystème, de son modèle d’affaires
      • L’esprit critique et la liberté, que ce soit dans l’esprit et l’expression comme dans l’indépendance financière
      • L’implication dans la préparation et dans la tenue des débats
    • Qualités relationnelles
      • La capacité à travailler collégialement
      • La capacité d’écoute, l’empathie et la bienveillance
      • La capacité à s’exprimer clairement, de façon structurée, à argumenter de façon constructive, à accepter les objections
      • Le sens politique, la diplomatie, la capacité à créer le consensus
      • L’adaptabilité

 

Pour un groupe familial, l’intégration d’un administrateur indépendant au sein du Conseil est une décision importante dont les enjeux sont, par nature, stratégiques. Autant de raisons pour mener ces missions avec une attention toute particulière.

Philippe Laverne,
Partner